vendredi 25 février 2011

Décrire notre quotidien ma paraît parfois bien ennuyant pour nos lecteurs. Dire l'essentiel, essayer de transcrire nos ressentis, tout cela n'est pas simple... Et rien n'est jamais tout blanc ou tout noir, ici tout est en tout, encore plus depuis le 25 janvier.
Nous avons l'impression de reprendre un semblant de vie "comme avant", et pourtant...

De 8h à 15h, chaque jour, nous devons être à l'école même si les élèves ne sont pas encore rentrés. Nous enregistrons des cours en ligne : c'est un peu déroutant, mais très formateur du point de vue de l'outil informatique ! Les enfants viennent avec nous, et jouent avec les autres enfants des profs.
A 15h, nous nous rendons au club : eh oui, nous avons finalement décidé d'être membres. Il faut savoir que les activités sportives ne sont possibles qu'à l'intérieur d'un club, et que le seul moyen de prendre l'air avec les enfants, c'est dans un club... Et en ce moment, les clubs font des offres défiant toute concurrence pour attirer les clients ! Nous en avons donc profité, et cela permet aux enfants d'avoir accès à la piscine. C'est qu'il fait chaud ici (nous pensons bien à vous !). Donc après l'école, nous pouvons désormais aller nous baigner : un vrai bonheur...
Nous sommes donc loin d'être à plaindre, comme vous le voyez !

Ici, tout reste à construire et inventer. Nous constatons des changements autour de nous. Par exemple, les jeunes des quartiers ont décidé de repeindre les trottoirs (en rouge, blanc et noir !) et de nettoyer leur quartier : on voit donc chaque jour des groupes de jeunes avec des balais et des sacs poubelles qui enlèvent tous les détritus... Les quartiers n'ont jamais été aussi propres !
Mais il est vrai que la situation reste instable... Hier, dans notre quartier, alors que les policiers venaient juste de revenir dans les rues (depuis deux jours environ), il y a eu une altercation entre un policier et un chauffeur de microbus : le policier a tué le chauffeur de deux balles. La population en colère a mis le feu au véhicule du policier. Après cela, tous les policiers ont disparu du quartier, et hier soir en rentrant, on a retrouvé les comités de quartier pour assurer une certaine sécurité. La tension est palpable, et on sait que le "feu" peut partir à tout moment, même si les gens ont une vraie volonté d'accéder à la démocratie de manière pacifique.

mercredi 16 février 2011

Texte de Benjamin (7 ans)
"En Egypte, des fois, il fait chaud, et des fois, il fait froid. En ce moment, je ne vais pas à l'école parce qu'il y a des manifestations. Les gens font ça parce qu'ils trouvaient le président dur avec eux. Moi, pendant qu'il y avait les manifestations, je suis allé dans un chalet près de la mer ; et juste à côté, il y avait une piscine. Moi et Thibault, et aussi Islam, on s'est beaucoup amusé. C'était bien parce qu'avant, je restais enfermé dans l'appartement à cause des manifestations.
Si j'étais le président, je serais plus sympa avec les gens. J'enlèverais les barrages (militaires). J'aiderais les pauvres à se nourrir. J'essaierais de faire la paix..."

samedi 12 février 2011

J'écris ton nom... Liberté

Que dire sinon se taire...
Jacques Brel disait : "Je vous souhaite des rêves à n'en plus finir, et l'envie furieuse d'en réaliser quelques-uns... "
Détermination d'un peuple aux mains nues, qui pendant 18 jours, a vécu d'incertitudes, d'attentes, de souffrances, de peurs, de solidarité, de bienveillance, de folie...

Un proverbe égyptien dit :
"Méfie-toi de la colère du juste"

Cette soif de justice a conduit les égyptiens sur le chemin de leur liberté,
Ils l'ont payée de leurs cris et de leurs morts, avec cette foi à déplacer des montagnes...
Ils y ont cru.
Naissance dans la souffrance...
"On ne cueille pas notre liberté comme des fleurs" nous disait récemment un de nos collègues.

Rien n'est acquis, tout reste à inventer...
Amis égyptiens, vous avez écrit son nom... Liberté.

mercredi 9 février 2011

Hier soir, en regardant France 24, je constatais que l'Egypte passait en seconde place, après Julian Assange... Et pourtant jamais il n'y avait eu autant de manifestants hier... Mais les médias semblent se lasser : des manifestations pacifiques, ça manque de sensationnel quand ça dure. Du moins, c'est l'impression amère qui m'est restée.
C'est vrai que la vie se normalise, nous avons même passé deux jours à l'école à préparer des cours en ligne (c'est un tout petit peu casse tête ) et pour tout vous dire, à l'heure qu'il est, nous y sommes encore. Mais coup de théâtre : on vient d'apprendre que l'école ferme demain et ne réouvrira pas avant le 16 (mercredi prochain) pour les enseignants. Quant au retour des enfants, cela dépend du ministère (oups, y a plus de ministre de l'éducation) et aucune date n'a été avancée... Attente... Incertitude... ça continue... dans tous les domaines...
Mais ne nous plaignons pas. Nous ne savons pas encore comment nous allons occuper sainement ces quelques jours de congé. Les manifestations vont sans doute évoluer, et nous verrons bien comment réagira le gouvernement...

lundi 7 février 2011

Cela faisait longtemps... qu'on n'avait plus mis le réveil ! Eh oui, nous sommes retournés au travail ! Nous y avons emmené les enfants qui ont passé la journée dehors : un grand bol d'air frais... Pour nous, ce fut surtout un temps d'échange et de retrouvaille des collègues restés. Il en manque quand même beaucoup. Il semblerait que la rentrée des élèves se fasse lundi prochain.
Nous allons donc revenir progressivement à l'école...
Le calme et la vie quotidienne semblent reprendre le dessus. Mais les gens restent mobilisés, place Tahrir ou ailleurs...

dimanche 6 février 2011

Voilà maintenant une dizaine de jours que l'Egypte vit au jour le jour, au gré des événements... Et l"on pressent que cela va prendre du temps... Fatigue et stress accumulés font que nous sommes tous plus ou moins tendus.
Ce matin, rendez-vous nous était donné au lycée français pour une rencontre avec l'ambassadeur et le consul. Cette réunion fut d'une tension extrême, notamment au sujet de la fermeture annoncée du lycée français jusqu'au 26 février. Nous ne polémiquerons pas sur ce blog ! Pour nous, nous retiendrons les conseils de vigilance et de prudence répétés, dans un contexte où le calme semble revenir mais reste bien précaire.
Suite à ce rendez-vous animé, nous nous sommes rendus à l'école. Nous y avons retrouvé une partie de nos collègues, puisque certains ont fait le choix de partir. Et là, nous avons pu prendre la dimension de la tension omniprésente. Chacun avec son vécu, malgré un sentiment partagé de "sécurité", vit plus ou moins bien cette situation d'attente et d'incertitude. Un retour des enseignants est prévu demain...
Ensuite, nous avons pris un taxi direction... le centre-ville ! Quoi ? Nous vous voyons d'ici vous insurger : mais ils sont inconscients ? Rassurez-vous, tout s'est bien passé. Nous avons même été agréablement surpris par le calme relatif du centre ; les rues n'ont pas beaucoup changé si ce n'est quelques chars ça et là qui agrémentent le paysage. Nous n'avons eu aucune remarque malveillante, au contraire. Certaines personnes de notre ancien quartier nous ont reconnus et salués chaleureusement. Nous avons même eu l'audace d'acheter des sandwichs de tahameya dans un petit boui boui populaire : même pas malades ! En fait, nous avions rendez-vous avec toute la chorale des Jésuites pour une messe spéciale... Le papa de Rivo, notre frère et ami malgache, est décédé avant-hier. Il a appris la nouvelle hier, seul, loin des siens, dans l'incapacité de les rejoindre, les ayant quittés depuis presque trois ans... Alors le père Fadel (jésuite) a proposé une messe pour Rivo et sa famille. Ce temps de prière était essentiel pour Rivo et pour nous tous... Une vraie et belle famille internationale, présente et recueillie... Nous vous confions Rivo, afin qu'il puisse trouver réconfort et espérance, dans cette période déjà tellement bouleversée.

samedi 5 février 2011

Mal dormis... Hier soir, la télé nous montrait les témoignages des journalistes arrêtés, lesquels semblaient dire qu'il ne faisait pas bon être occidental en centre-ville. Nous avons appelé un ami qui habite non loin de la place Tahrir : effectivement, dès qu'il sort, on lui demande qui il est, il a même été "braqué", mais il semblait serein sur le fait qu'être français était encore bien vu de la population.

Ce matin, la vie semble avoir repris un cours normal, comme si rien ne s'était passé. Les voitures circulent en grand nombre sur l'autoroute, les gens retournent au travail.
N'en pouvant plus de rester enfermés, nous décidons de prendre l'air, et rejoignons quelques amis professeurs... dans un café. L'endroit est calme, il fait gris mais on peut manger dehors. Les enfants courent partout, le bonheur quoi ! En discutant, on se rend compte que notre quartier est relativement calme, et que l'important pour le moment, est de ne pas provoquer. Eviter de rester groupés en trop grand nombre en tant qu'étrangers, ne pas parler de sujets qui fâchent, tout en continuant à se montrer respectueux... Les uns et les autres ont du mal à passer le temps, et on se demande bien quand l'école va reprendre. Inch allah on le saura demain.

Après ce bon moment de détente, nous repartons à pied chez Arnaud et Aïssatou... Puis comme le couvre feu n'est qu'à 19 heures, on traîne un peu avant de rentrer.
Rivo nous attend à la maison.

Une petite soirée ciné s'annonce.

vendredi 4 février 2011

Réveil... Je devine que le couvre-feu est fini : les klaxons et les freins des voitures ont refait leur apparition sur l'autoroute qui est juste en bas de chez nous.

Premier réflexe : allumer la télé et voir où en est la situation. Rien de nouveau semble-t-il... Témoignages : gens qui ont peur, jeune payé pour aller manifester, journalistes empêchés de travailler... Avec mes lunettes bien occidentalisées, je lis cette situation qui me révolte...Mais je sais que nos amis égyptiens ne portent pas les mêmes "lunettes" et qu'ils ne lisent pas les événements de la même façon. Certaines clés de lecture me manquent, et je sais que je ne pourrai jamais vraiment tout comprendre. D'où aujourd'hui pour moi l'importance de ne pas juger. Ce pays appartient aux égyptiens, et ils veulent écrire leur histoire à leur façon.

Deuxième réflexe : regarder à la fenêtre... Il fait beau, vraiment très beau aujourd'hui. Une quantité invraisemblable de voitures est garée le long de l'autoroute ; on avait déjà vu ça vendredi dernier... Et puis il ya des chars militaires qui passent... Et toujours ces militaires et leur barrage sur l'autoroute, qui fouillent les voitures et vérifient les identités.

Quotidien de cette vie un peu étrange depuis une semaine... Petit déjeuner en famille, tardif par rapport à d'habitude. Rangement. Bricolage et dessin. On serait bien sortis faire un foot mais la prudence nous fait rester à l'intérieur aujourd'hui. Les journaux télévisés se succèdent, l'heure de la prière du vendredi passe, les manifestations prennent de l'ampleur et restent pacifiques. C'est plutôt rassurant.
Les enfants font preuve d'une grande gentillesse : ils servent et desservent la table (Benjamin l'a même décorée !), ils font la vaisselle et nous concoctent plein de jolis dessins accompagnés de mots tout doux !
Henri nous téléphone de Madagascar. Difficile de dire si ça va ou pas, dans la mesure où "la situation est extrêmement volatile" (comme disait l'ambassadeur lors de la dernière réunion avec les ressortissants français) ! Nous nous sentons sereins, un peu sur le qui-vive, et prêts à partir si besoin (mais nous n'avons aucune envie pour le moment).

17h30 au Caire. Tout semble bien se dérouler encore au centre ville. Tant mieux. Je poste ce blog, en vous remerciant encore pour tous vos messages de soutien !

jeudi 3 février 2011

Couvre feu oblige, nous voilà bien au chaud dans notre appartement... Depuis hier, la situation au centre du Caire est terrible. Nous suivons les informations à la télévision, heure par heure. Pour le moment, notre environnement proche reste "calme" et bienveillant.
Nous avons reçu un communiqué du consul, qui nous donne quelques recommandations supplémentaires : respecter le couvre feu, limiter ses déplacements et éviter de prendre le taxi (ça va être simple pour nous qui n'avons pas de voiture !!!), avoir toujours des photocopies des pièces d'identité quand on sort, ne pas sortir avec ordinateurs ou appareils "tentants", et éviter les gestes tels que prendre des photos... Mises à part ces recommandations, il redit que la position française n'a pas changé et qu'il n'est toujours pas question de rapatriement.
Les enfants vont bien, ils se disent en "vacances" : cela fait une semaine déjà que l'école est fermée. Mais ce sont des enfants "chanceux" : leur maman leur assure bénévolement quelques cours, "on joue à l'école", et Romane a même réclamé sa lunch box pour faire comme en vrai !
Sinon, dès que nous le pouvons, nous prenons l'air (dans notre quartier uniquement). Et le reste du temps, nous jouons (vivent les jeux de société), cuisinons, regardons des DVD et dormons !
En dehors de la réalité... Et pourtant...

mercredi 2 février 2011

Nouvelles en direct du Caire

Bonjour à tous, et vraiment, du fond du coeur, merci pour tous vos messages de soutien... Etre coupé du monde, c'est une sensation troublante... Nous avons récupéré internet (jusqu'à quand ?) et en profitons pour vous donner quelques nouvelles.
Jusqu'à ce midi, tout se passait relativement sereinement. Même si la situation était anormale, nous avons réussi à nous adapter au couvre feu et aux contraintes liées à cette situation.
Thibault en a profité pour écrire un petit texte :
"Tout a commencé le 25 janvier. Les petites manifestations commençaient. Les grandes manifestations sont arrivées le vendredi 28 janvier. Après il y a eu des couvre-feux, des hélicoptères, des avions de chasse et des coups de feu. Nous avons aussi vu un accident : un microbus a écrasé un militaire. Nous avons vu des chars. Le musée du Caire a été pillé, comme Carrefour et d'autres magasins. ça ne ressemble plus au Caire que je connaissais. Nous avons entendu des coups de feu et les gens ont des bâtons pour protéger leur quartier. On a vu aussi quelques prisonniers attachés à des barres de fer. La police n'est plus dans les rues, ce sont les militaires qui les remplacent."
Evidemment, il a écrit tout ce qui est "nouveau", mais notre petite famille va bien. Nous avions anticipé en faisant de grosses courses. Et notre voisinage égyptien prend bien soin de nous. Nous restons vigilants et respectons les règles de sécurité. Une réunion avec l'ambassadeur ce matin nous rassurait en nous indiquant de maintenir notre vigilance, mais sans évoquer de rapatriement. Et effectivement, nous nous sentons encore en sécurité.

Mais les événements de cet après-midi, entre les pro et les anti Moubarak nous inquiètent un peu. Tant qu'internet ne sera pas coupé, nous essaierons de vous tenir informés.

Merci vraiment !

infos de mercredi 2 février

suite des nouvelles par Papy André

Ce matin, la maman (Evronnaise) d'un collègue enseignant de Sandra et Olivier avait eu un contact téléphonique rassurant avec son fils ce mercredi matin.
Sentiment de sécurité encore ce matin, d'après lui.
Les enseignants français du Caire sont convoqués au lycée français, sans doute pour faire le point... à suivre

Pour ceux qui veulent plus de détails sur ce que peut penser une enseignante française du Sacré-Coeur de Héliopolis (banlieue nord du Caire, à l'opposé du quartier de Sandra et Olivier), voici le lien vers son blog:
http://corinefertiti.blog.lemonde.fr/

Ce midi nous apprenons qu'internet serait rétabli, mais que l'armée demande aux manifestants de rentrer chez eux...